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Cinquante ans…
Le Vaurien, cinquante ans déjà ! Cela paraît extravagant. Cinquante ans, c'est vraiment un âge respectable, pour une série, un âge où l'on pourrait se prendre au sérieux. Mais le Vaurien a-t-il envie de se prendre au sérieux.

Vous le trouvez sans doute un peu vieillot, un peu simpliste, trop rustique, trop attaché à ses principes... mais ceux qui l'ont connu à ses débuts pourraient vous raconter une toute autre histoire.

Né en 1951, lancé au Salon nautique en 1952, le Vaurien, c'était la révolution : un petit voyou sans vergogne qui venait bousculer le monde du yachting. Il faut dire que c'était une drôle d'idée : permettre à tous les petits jeunes gens qui commençaient à passer leurs vacances sur des îles grâce au Centre nautique des Glénan, à acquérir le goût de la voile et de la mer, de s'acheter ensuite un bateau bien à eux. Quelle drôle d'idée ! Pourquoi ne pas continuer à régater comme équipier avec papa ? Et comment papa ferait-il pour trouver un équipier si ses enfants s'en allaient à l'eau de leur côté ? Problème, problème… Et puis, les papas n'avaient pas tous un bateau, et pour ces enfants-là, la mer et la voile restaient peu accessibles.

Mais J.J. Herbulot voulait faire partager au plus grand nombre son amour de la voile. Pour leur ouvrir les portes de la mer, il fallait inventer : faire léger, facile à manier, pédagogique, et surtout bon marché. Le contreplaque résista au supplice de la bouilloire et du balcon. Le prototype fut construit chez Philippe Viannay, mais dut sortir sur la tranche, la porte étant étroite. Baptisé du nom d'un chien que Philippe regrettait beaucoup, le n° 0 navigua tout l'été 1952 aux Glénans, avec une voile de Firefly et un foc d'Argonaute.

A son premier Salon nautique, en octobre 1952, sur les berges de la Seine, le Vaurien n° 1 valait 55 000 F : l'équivalent, en pouvoir d'achat, de 6 000 F en 2000. C'était le quart du prix du premier dériveur du marché, le Sharpie de 9 m (un solitaire), et le prix de deux vélos. Une véritable bombe, et qui fit beaucoup parler d'elle. La simplicité, la rationalité justifiaient ce prix stupéfiant : la coque faisait 4,08 m de long parce que les feuilles de contreplaqué mesuraient 4,10 m, les flancs et les fonds plats se prêtaient à la construction en série, l'accastillage était spartiate.

Le chantier Costantini de La Trinité sur mer entreprit la fabrication de 200 unités, la voilerie Le Rose de Concarneau se lança dans la production de voiles en série, avec laizes préparées d'avance et ralingue piquée à la machine au lieu d'être cousue à la main. C'était, pour tous, la première fois : jamais, jusque-là, personne n'avait imaginé que l'on puisse produire 200 bateaux semblable. Ils sont fous, ces Vauriens ! Mais non, ils n'étaient pas si fous. Au Cercle de la Voile de Paris, à Meulan, le Vaurien accueillit sur la Seine, pendant l'hiver 1952-53 et le suivant, tous ceux qui voulaient l'essayer : et l'essayer, c'était l'adopter.

En septembre 1953, avec déjà deux cent propriétaires, l'AsVaurien fut créée. Les commandes se bousculaient : il fallut trouver d'autres constructeurs. Martin, Besnard, Bonnin, Didier... Le 1er janvier 1954, il y avait 222 Vauriens. Le 15 août, ils étaient 400, en France, et le virus commençaient à se répandre. C'est d'abord la Belgique qui fut touchée, puis le Vaurien partit à l'assaut de toutes les forteresses, à la conquête de tous ceux, qui sans lui, n'auraient pu venir à la voile, ou du moins auraient dû attendre encore bien des années pour y parvenir.

Aujourd'hui, tous ceux qui naviguent au plus haut niveau se souviennent d'avoir débuté en Vaurien. Aujourd'hui, on en trouve dans toutes sortes de coins inattendus, un peu partout dans le monde, comme en témoignent les championnats du monde annuels, qui rassemblement 100 bateaux de 10 ou 12 nationalités, ou les courriers qui nous parviennent de lieux lointains. Malgré les jalousies, ses adversaires n'ont pas réussi à en venir à bout. Il faut dire qu'il avait à ses débuts de robustes amis : le Centre nautique des Glénan, le Touring Club de France, les Cahiers du Yachting. Et qu'il a toujours trouvé beaucoup d'enthousiasme et de dévotion au sein de ses associations nationales, puis du Comité International, le CIV créé pour coordonner tous les efforts nationaux et qui a bénéficié du dévouement de ses présidents et de tous ses membres.

Enfant chéri de J.J. Herbulot, le Vaurien reste aujourd'hui l'un des moyens les moins chers de mettre deux personnes sur l'eau et de disputer des régates passionnantes. C'est que les enfants révolutionnaires attirent toujours beaucoup d'amour : et le Vaurien, voyez-vous, c'était la révolution !

Florence Herbulot (Juin 2001)

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Le chantier de Meulan dans les années 60.



 


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extraits de la revue Bateaux (Février 1997)

La Révolution de la voile pour tous


Avec son concept simpliste, un bateau pour le prix de deux vélos, le Vaurien a constitué un véritable phénomène de société. Et sa carrière n'est toujours pas terminée... Sa longueur, 4,08 m, est déjà une signature. C’est après la guerre, la longueur maximale des feuilles de contre-plaqué disponibles. Philippe Vianney recherche, pour son école des Glénans, un bateau le moins cher possible. Pour un dériveur, le prix de deux bicyclettes lui semble correct. Le Vaurien vaudra donc 55000F en 1952. Une gageure par rapport aux 250 000 F que coûte alors le Sharpie 9 m².

Le premier Vaurien est construit dans le salon parisien de Philippe Vianney, et son nom choisi en hommage au chien de la maison. Jean-Jacques Herbulot, convaincu que, pour en réduire le coût, il faut le construire en grande série, veut en réaliser au moins 200. Un chiffre ahurissant au début des années 50, les bateaux étaient alors construits à l’unité. II réussit à convaincre le chantier Costantini, moyennant un partage de l'investissement. Rapidement apparaissent des divergences sur les méthodes de construction, et l’architecte prend le parti d'agréer un certain nombre de chantiers, parmi lesquels on peut citer Bonin ou Aubin. Le Vaurien sort rapidement de sa vocation première de bateau école économique, pour connaître un succès inégalé auprès des particuliers, avec au total 35 677 numéros de voile attribués par la classe. Très dynamique, cette dernière organise des régates réunissant souvent plus de 50 ou 60 bateaux.

En 1965, le dériveur fétiche du contre-plaqué s'est converti au polyester aux Ateliers Maritimes Croisicais. II est toujours construit en Espagne et en France (par le chantier Bihoré au Croisic), alors qu'un fabricant italien est resté, lui, fidèle au contre-plaqué. Aujourd'hui, l'As. Vaurien vend chaque année une quinzaine de plans destinés à la construction amateur. Elle aide ces derniers à se procurer au meilleur prix voiles, gréement ou accastillage. L’association estime que, pour naviguer sur un bateau neuf de sa construction, il faut dépenser entre 3000 f et 45000 f, plus 6000 f pour le jeu de voiles et le gréement. On peut également acquérir un Vaurien d'occasion, ce qui ramène le montant de l’investissement à environ 7000F.

Ainsi, quelque quarante-cinq ans après sa création, ce dériveur reste toujours fidèle à sa vocation première.



Les Vauriens en plastique

Aujourd'hui, la production est confidentielle et ne concerne plus que les flottes pour les écoles de voile ou les clubs. Spair Marine a débuté la construction des Vaurien en polyester à la fin des années 60, puis Bihoré à partir de 1971. Ce chantier croisicais en a produit quelque 2 700 exemplaires en 25 ans, dont 2 en 1996. Au cours de la décennie 80, Bihoré proposait trois versions: un Vaurien "compétition ", avec une coque allégée, une version standard et une version pour les écoles de voile, avec coque renforcée dans les fonds ou sur les plats-bords.

Article publié …dans TOURING PLEIN AIR (n° 369)


Il y a quelques années, une revue spécialisée titrait : "Le Vaurien, un bateau sans histoire, qui a déjà son histoire". Ce pourrait être le titre de cet article en 1981. Le Vaurien continue à être un bateau sans histoire mais son histoire est notablement plus longue.

Ils étaient un peu fous, vers les années 50, ces Jean-Jacques Herbulot, Philippe Viannay, Alain Coyaud de croire que l'on pouvait rendre populaire le sport de la voile. Non seulement ils le croyaient, mais ils passaient à l'action et lançaient sur un marché qui n'existait que d'une façon potentielle, un bateau de 4,08 mètres,,, pesant moins de 100 kg, construit en contre-plaqué et valant 550 fr : le prix d'une bicyclette.

Les commodores de l'époque, sous leur casquette et leur blazer, ont subi des tourments, eux qui dirigeaient, qui contrôlaient pourrait-on dire, des clubs fermés, sélects, dans lesquels on n'entrait souvent que par parrainage.

Oui, c'était des fous ceux-là qui voulaient mettre la voile à la portée de tous, en faire un sport populaire, au sortir de ces années de guerre. Mais tout le monde avait soif de loisirs et d'évasion et une brèche avait été ouverte par où s'est engouffré le monde des pratiquants, qui sont aujourd'hui plusieurs centaines de milliers.

Léger, bon marché, le Vaurien s'empare des quelques écoles de voile de l'époque, permet d'en fonder de nouvelles, créant sa propre pédagogie, grâce à ses qualités nautiques.

Il est facile à transporter (on peut le mettre sur une remorque accrochée à la voiture : la 4 CV a connu le même engouement) et on prend l'habitude de se retrouver dans des régates qui groupent 30, 40, 50 bateaux, du jamais vu !

"La voile n'est plus l'affaire de quelques fortunés, mais une affaire nationale et démocratique, qui est tout à fait bonne", déclarait M. Xavier de Roux, Président de la Fédération Française de Voile, en 1973.

Le "boum" des vingt premières années s'est un peu calmé. D'autres séries : Mirror, Laser, 420, 470 ont connu des développements identiques, et plus récemment la planche à voile, qui semble tout balayer sur son passage, mais le Vaurien a toujours ses "fans", confiants dans les qualités de cet excellent outil d'école et de compétition. "Leur état d'esprit s'apparente à celui du randonneur, celui qui par amour de la nature et de l'effort part à pied à travers les forêts, en vélo sur les petites routes, à ski sui les pentes vierges. Le Vaurienniste aime le bateau, la voile, son plan d'eau" (J.M. Barrault - l'Aurore 2 avril 1970).

L'évolution du Vaurien s'est faite lentement, pour éviter la course à l'accastillage et rester fidèle à ses objectifs initiaux. Depuis quelques années, la construction amateur a donné une. nouvelle impulsion à la série et Jean-Jacques Herbulot soucieux de l'avenir de son enfant chéri, a mis au point un mode de construction original dit "composite" : bois plastifié, qui est à la, portée de celui qui sait se servir d'une règle et d'une scie et qui ne dispose pas d'une fortune pour acheter un bateau sophistiqué. Pour quelques 4.500 F et un peu de sueur, il pourra rivaliser en compétition avec les meilleurs, ou se mêler à la foule des promeneurs en quête d'évasion.

L'histoire du Vaurien est une belle histoire, qui ne finit pas, c'est un feuilleton, que l'on suit. avec. passion, qui se termine toujours par …

"La suite au prochain numéro".

Cinquante ans… Le Vaurien, cinquante ans déjà ! Cela paraît extravagant. Cinquante ans, c'est vraiment un âge respectable, pour une série, un âge où l'on pourrait se prendre au sérieux. Mais le Vaurien a-t-il envie de se prendre au sérieux ?

Le chantier de Meulan dans les années 60

extraits de la revue Bateaux (Février 1997)
La Révolution de la voile pour tous
Avec son concept simpliste, un bateau pour le prix de deux vélos, le Vaurien a constitué un véritable phénomène de société. Et sa carrière n'est toujours pas terminée...'Sa longueur, 4,08 m, est déjà une signature. C’est après la guerre, la longueur maximale des feuilles de contre-plaqué disponibles. Philippe Vianney recherche, pour son école des Glénans, un bateau le moins cher possible. Pour un dériveur, le prix de deux bicyclettes lui semble correct. Le Vaurien vaudra donc 55000F en 1952. Une gageure par rapport aux 250 000 F que coûte alors le Sharpie 9 m².Le premier Vaurien est construit dans le salon parisien de Philippe Vianney, et son nom choisi en hommage au chien de la maison. Jean-Jacques Herbulot, convaincu que, pour en réduire le coût, il faut le construire en grande série, veut en réaliser au moins 200. Un chiffre ahurissant au début des années 50, les bateaux étaient alors construits à l’unité. II réussit à convaincre le chantier Costantini, moyennant un partage de l'investissement. Rapidement apparaissent des divergences sur les méthodes de construction, et l’architecte prend le parti d'agréer un certain nombre de chantiers, parmi lesquels on peut citer Bonin ou Aubin. Le Vaurien sort rapidement de sa vocation première de bateau école économique, pour connaître un succès inégalé auprès des particuliers, avec au total 35 677 numéros de voile attribués par la classe. Très dynamique, cette dernière organise des régates réunissant souvent plus de 50 ou 60 bateaux.
En 1965, le dériveur fétiche du contre-plaqué s'est converti au polyester aux Ateliers Maritimes Croisicais. II est toujours construit en Espagne et en France (par le chantier Bihoré au Croisic), alors qu'un fabricant italien est resté, lui, fidèle au contre-plaqué. Aujourd'hui, l'As. Vaurien vend chaque année une quinzaine de plans destinés à la construction amateur. Elle aide ces derniers à se procurer au meilleur prix voiles, gréement ou accastillage.
L’association estime que, pour naviguer sur un bateau neuf de sa construction, il faut dépenser entre 3000 f et 45000 f, plus 6000 f pour le jeu de voiles et le gréement. On peut également acquérir un Vaurien d'occasion, ce qui ramène le montant de l’investissement à environ 7000F.

Ainsi, quelque quarante-cinq ans après sa création, ce dériveur reste toujours fidèle à sa vocation première.

Les Vauriens en plastique

Aujourd'hui, la production est confidentielle et ne concerne plus que les flottes pour les écoles de voile ou les clubs.

Spair Marine a débuté la construction des Vaurien en

polyester à la fin des années 60, puis Bihoré à partir de 1971. Ce chantier croisicais en a produit quelque 2 700 exemplaires en 25 ans, dont 2 en 1996. Au cours de la décennie 80, Bihoré proposait

trois versions: un Vaurien "compétition ", avec une coque allégée, une version standard et une version pour les écoles de voile, avec coque renforcée dans les fonds ou sur les plats-bords.

Article publié …dans TOURING PLEIN AIR (n° 369)

Il y a quelques années, une revue spécialisée titrait : "Le Vaurien, un bateau sans histoire, qui a déjà son histoire". Ce pourrait être le titre de cet article en 1981. Le Vaurien continue à être un bateau sans histoire mais son histoire est notablement plus longue.

Ils étaient un peu fous, vers les années 50, ces Jean-Jacques Herbulot, Philippe Viannay, Alain Coyaud de croire que l'on pouvait rendre populaire le sport de la voile. Non seulement ils le croyaient, mais ils passaient à l'action et lançaient sur un marché qui n'existait que d'une façon potentielle, un bateau de 4,08 mètres,